AVIS DE TEMPÊTE SUR LA PLANÈTE FINANCE, par François Leclerc

Billet invité.

Que se passe-t-il ? Pour la seconde fois depuis le début de l’année, les bourses mondiales trébuchent lourdement et les écarts de rendement entre les obligations souveraines s’accroissent en fonction de la solidité supposée des pays émetteurs, rompant avec l’accalmie enregistrée. La planète finance est cette fois-ci toute entière secouée, à la différence du précédent accès de fièvre. Les symptômes sont là, mais le diagnostic n’y est pas, et les propos deviennent franchement alarmistes, sauf pour ceux qui, bardés comme toujours de certitudes, s’en remettent à des bons fondamentaux auxquels ils se raccrochent.

La stabilité du système financier est en question, menacée par les mouvements massifs incontrôlés et de plus en plus rapides des capitaux, dont le volume ne cesse de s’accroitre en raison de la poursuite des opérations de création monétaire des banques centrales. Mais cela n’identifie pas pour autant le danger qui en est à l’origine. S’il faut choisir parmi les raisons qui sont pêle-mêle invoquées, la crainte d’un brutal atterrissage chinois tient aujourd’hui la corde. En second lieu viennent les faiblesses présumées du système bancaire, avec qui on n’en a décidément pas fini.

Le rêve d’une Chine rejoignant en douceur le camp de l’économie de marché ne s’accomplit pas comme espéré, le pays restant inconfortablement assis entre deux chaises, celle d’une économie administrée qui a fait son temps, et celle d’une économie libérale largement encore à l’état de promesse. La dépréciation du yuan résultant de la fuite des capitaux ne parvenant pas à être combattue par la banque centrale chinoise, qui dilapide ses énormes réserves en devises en tentant de la freiner, le moment approche où il va falloir choisir entre rétablir un strict contrôle des capitaux ou accepter une forte dépréciation du yuan. Ce qui accélérera immédiatement une guerre des monnaies larvée qui prendra alors des proportions ravageuses.

Les dirigeants chinois sont critiqués pour le pilotage illisible de leur transition, mais ont-ils les moyens de trancher ? Ils ont essayé de faire front devant la crise financière des pays développés, mais les injections financières massives de leur banque centrale ont été à l’origine de leur propre instabilité financière, porteuse de conséquences sociales qu’ils redoutent par dessus tout. Aujourd’hui, le monde est suspendu aux péripéties mouvementées de l’atterrissage de la Chine et à ses conséquences.

Le secteur bancaire est toujours aussi opaque, ce qui explique les difficultés d’appréciation de sa solidité et la chute boursière de ses valeurs. Deux facteurs le menacent aujourd’hui, le prix du pétrole et la croissance des actifs non performants (les prêts qui feront défaut). Dans le premier cas, les banques américaines ont souscrit aux émissions obligataires high yield (à haut rendement) des sociétés du secteur énergétique, ou sont d’une manière générale exposées aux matières premières, et pourraient entrer dans la tourmente. Dans le second, les banques européennes subissent également les effets, qui se multiplient, de la politique de désendettement accélérée des États.

La machine ne tourne pas rond.